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Le Petit Mason  dans la Prairie

Tout d'abord, il est essentiel de jeter des lauriers aux bonnes personnes. Si Konami est l'éditeur du titre et le détenteur des droits de la licence, tous les crédits devraient aller à la populaire et oubliée Team Silent. En ses locaux se retrouvaient les esprits les plus créatifs et macabres du Japon afin d'amener sur nos écrans de salon cathodiques le doux grésillement de la terreur. Aujourd'hui encore, beaucoup d'amateurs de l'horreur reconnaissent sans rougir la maestria indéniable de l'Asie et plus particulièrement du Japon avec ses créations malsaines, étranges, effrayantes, dans les domaines de l'art, qu'il s'agisse du cinéma ou du jeu vidéo. C'est avec un grand coup qu'en 1999 (oh mon dieu, si on retourne les trois derniers chiffres.. 666 !) le Japon décidait d'enfoncer nos portes après les avoir entamées avec des titres comme Resident Evil, Clock Tower, Parasite Eve, etc...

 

Une horreur balbutiante, rampante, encore un peu maladroite... Et néanmoins totalement maîtrisée. Malgré les gros polygones et les limitations de la console de Sony à l'époque, Silent Hill a posé les bases d'un héritage, notamment en montrant la voie à ses successeurs de ce qui fait un excellent jeu d'horreur peu importe les contraintes. Son plus grand génie, à titre d'exemple, est d'avoir utilisé un effet de brouillard afin de palier au faible moteur de la PlayStation qui limitait grandement le champ d'horizon, et pouvait amener à du clipping bien crade. Comprendre l'apparition soudaine d'un bâtiment. Là où sur tout autre jeu, cela aurait été vu comme inconcevable, Silent Hill a bâti sa mythologie avec ce facteur parmi tant d'autres, intégrant même la brume dans son histoire afin de donner une forte identité à la ville éponyme. Avouez-le, c'est brillant que d'employer ce mécanisme dans le but d'adoucir l'apparition progressive de la map, ou avec l'obscurité dans d'autres situations. Cela correspond parfaitement à la conception que l'on se fait de l'horreur et de ce que la terreur de l'inconnu nous inspire. On a pas peur du noir. On a peur de ce qui peut s'y terrer. Et dans la brume épaisse de l'infâme ville aux neiges de cendres, chaque poteau, chaque voiture, chaque boîte aux lettres devient un ennemi potentiel mettant nos nerfs à l'épreuve. D'autant plus quand l'une des activités centrales du jeu consiste à arpenter les rues hostiles de la bourgade américaine... 

 

 

Harry Madison

Avec cette ingéniosité, Silent Hill part déjà gagnant. Et cet élément est sublimé à la fois par sa bande son exceptionnelle ainsi que ses mécaniques de gameplay. Tout ça au service d'un scénario vraiment bon et différent pour l'époque, dont le synopsis nous est présenté en guise de cinématique d'intro en 3D du plus bel effet et à la musique désormais culte, qui aura également popularisé l'art du story telling cinématographique sur nos consoles. Tout ce que vous devez savoir, c'est que vous incarnez Harry Mason et ses tétons lumineux, fameux danseur de country au look Grease des plus sexy, en vadrouille vacancière avec sa petite fille Cheryl (ou Cerise, c'est selon) dans un passionnant Road Trip. Tout ça pour finir par renverser une pauvre femme en plein milieu de l'autoroute (non mais qu'est ce qu'elle foutait là aussi cette grognasse), résultant au carambolage de notre voiture. Et la disparition de notre petite salo--fille à notre doux réveil. Ouais, ça c'est ma version édulcorée, mais vous saisissez les grandes lignes. 

 

En terme d'histoire, l'intrigue derrière les secrets de la ville rend ce jeu de cache-cache sidérant passionnant, sans quoi courir inlassablement après cette peste mal habillée serait ridicule dans la mesure ou cette dernière décide de nous faire traverser la ville entière juste parce que "ça t'apprendra à écouter rires et chansons en boucle dans la bagnole,papounet indigne !". Le rythme d'écriture est bien ficelé et ne laisse pas vraiment de temps mort dans ses révélations, peu de passages creux, et déjà à l'époque les développeurs ont eu la présence d'esprit d'intégrer des cartes pour chaque gros endroit à écumer, ce qui s'avérera salvateur tout au long du jeu, voire même indispensable à certains endroits. Difficile de se repérer en faisant genre qu'on a déjà vu ce panneau alors que ne le voit pas venir avant d'être à 5 mètres devant... Heureusement, tout ça est bien lié à l'histoire de la ville et une espèce de culte satanique vénérant une chèvre avec des nichons. Non je suis très sérieux là dessus. 

 

Bon, d'accord, dis comme ça, c'est pas folichon. En vérité je n'étais pas trop emballé de prime abord à ce niveau, sa renommée m'ayant forcé à lui passer dessus malgré tout. Et telle la légende le disait, c'est une mine d'or de notre patrimoine vidéoludique que j'ai arpenté à vos côtésSilent Hill n'est pas parfait, loin s'en faut. Néanmoins, pris dans son contexte, on se rend compte de l'impact mémorable qu'il a eu à son échelle lors de sa sortie, car aujourd'hui encore la licence prospère, quoique timide. Le titre principal constitue les fondations solides de tous les futurs titres qui ont pu s'épanouir grâce aux bases qui ont été posées. En effet, Silent Hill possède une des mythologies les plus riches, mystérieuses et fascinantes du Jeu Vidéo en terme d'horreur

 

 

La Cheryse sur le Gateau

D'abord, le titre mériterait clairement un relooking moderne. Un remake digne de ce nom serait fantastique et bienvenu, car il faut l'avouer, le titre est dépassé graphiquement. Largué. Et même mon talent certain pour bidouiller des émulateurs n'y peut pas grand chose. De gros polygones. La face polymorphe des personnages et surtout de Harry Mason dont même sa petite fille à la trouille. Regardez comment elle le dessine putain. On dirait que E.T. a chopé le cancer des yeux sérieusement. Cependant, Silent Hill réussit un tour de force phénoménal, car en dépit de sa pauvreté graphique vu par nos yeux juvéniles de contemporains pourris gâtés, il conserve toute sa superbe à l'aide de ses textures dégueulasses (c'est un compliment dans ce cas) et de son ambiance pareille à nulle autre. 

 

Grâce à ses fortes inspirations de différents médias traitant de la folie et de la descente psychologique en enfer, le jeu parvient à nous abreuver de références telles que le film culte et dérangeant L'Échelle de Jacob pour ne citer que le plus célèbre et remarquable, sans jamais passer pour une copie ou un concentré, toujours un produit authentique issu d'un imaginaire dérangé. Un coin de l'imaginaire de Hellraiser peut être ? Il faut dire que les décors en apparence vides de la ville fantôme sont déjà remarquables dans un premier temps, mais quand vient la "transformation", on découvre un monde de rouille d'une beauté macabre dont on reconnaît les fondations mais où les règles ont changées et où notre survie ne tient plus qu'à un fil, de barbelé.

 

Ainsi, la Team Silent parvient à intégrer habilement de nouveau une contrainte et une prérogative au scénario de son jeu pour en faire un élément de gameplay à part entière, ici rajoutant du contenu et offrant une réelle progression dans l'évolution des décors (accès à des portes fermées dans le monde normal, niveaux accessibles, énigmes à résoudre) dans lesquels on ne reviendra d'ailleurs pas pour les 3/4. Silent Hill n'est plus seulement une ville fantôme brumeuse remplie de mystères et de créatures, mais un monde alterné qui change radicalement la ville en elle-même et ses créatures dans une moindre mesure. Il faut aussi évoquer les plans, les angles de vue, qu'on peut sans l'ombre d'un doute qualifier de cadrages à l'instar du cinéma tant certains s'avèrent sophistiqués et proches du 7ème Art, conférant de la sorte au jeu un cachet filmique très appréciable, qui favorise l'immersion autant qu'il impressionne par sa conception intelligente.

 

Le jeu ne lésine pas sur le gore, le sanglant, le glauque - tellement qu'il fut d'ailleurs censuré aux États-Unis, sans jamais tomber dans le kitsch de ses pairs ou laisser de côté la tension psychologique sur le bord de la route. Il marie les deux disciplines avec brio, grâce au système de monde double, brillant élément scénaristique et de level design, devenu également une marque de fabrique de la licence. Mais en vérité, malgré un design dantesque des monstres très réussis qui constituent un vaste bestiaire terrifiant, l'ampleur de la terreur est réellement magnifiée par un seul facteur. Non, pas La Poste. La musique. 

 

Akira Yamaoka est le compositeur de talent, de génie, derrière la quasi totalité des opus de la série. Et ses faits d'armes commencent évidemment ici avec une bande son organique, rouillée, agressive, violente, tenant plus d'ambiances sonores que de musiques malgré de nombreuses pistes aux mélodies bruyantes de cris déformés transformés en tempos, et ainsi de suite. Qui eut à l'époque idée d'enregistrer les sons de la vie courante, de les transformer et de les intégrer dans son jeu en guise de musique ? Les effets sonores sont une chose. Ce qu'à réalisé Mr.Yamaoka en est une autre. De la sorte, les lacunes du moteur sont compensées par la beauté sordide et assourdissante des bruits distordus qui accompagnent nos pires moments du jeu, rendant chaque altercation absolument terrifiante. Mais ne nous leurrons pas, pour l'époque, Silent Hill était graphiquement bon parmi les standards. Mais c'est aussi des éléments lies au gameplay qui font la force de cet ensemble, comme par exemple la fameuse radio qui grésille tel du métal hurlant chaque fois qu'une horrible créature se rapproche... Véritable sonar à nanar ambulant, lorsque l'on voit un ptérodactyle mutant écorché faisant deux fois notre taille se ruer sur nous entre deux ruelles sombres depuis les cieux ombragés. De ce fait, oui, la musique et la bande son de Silent Hill sont indéniablement des gros points forts du jeu. Du grand art. Un art dans un art. Artception, mon cochon !

 

La Colline a des Bugs

Outre toutes ces prouesses, il y a bien entendu des défauts à cet opus, que le temps accuse, rien que dans sa maniabilité. Comme tout Survival Horror à l'époque, sans être non plus catastrophique, les déplacements de notre personnages sont proches d'un blindé soviétique, à tel point qu'on pourrait penser ici à un préquel de World Of Tanks. Virage à droite, virage à gauche, marche arrière, demi-tour, pas de côté, pas pas penche ses fesses, on se croirait à une représentation de Madison. Cela reste évidemment jouable, mais ça ne favorise pas réellement l'immersion en un sens, plutôt le réalisme. Contrairement à beaucoup de ses pairs, Silent Hill proposait en effet de jouer un père lambda tout ce qu'il y a de plus normal, et non un mercenaire, soldat ou policier entraîné et formé au combat. De ce fait, la maladresse de Harry, qui n'est pas sorcier, s'explique et se justifie dans ce cas précis. Il ne sait pas vraiment tirer, s'équipe des objets défensifs qu'il peut trouver en chemin, et met en priorité la recherche de sa petite fille plutôt que d'affronter toutes les bestioles infernales qui peuplent les trottoirs. (sauf quand c'est Treufy qui joue) En d'autres termes, le jeu vous incite à fuir plutôt qu'à combattre, tel que devrait le faire chaque jeu du genre, sauf lorsque c'est absolument nécessaire, comme vous le feriez dans la vraie vie même si vous prétendez autrement, bande de faux pleutres. Je vous l'ai dit, ces nippons sont excellents quand il s'agit de trouver des "excuses" géniales pour justifier des lacunes ! 

En dehors du gameplay ultra rigide qui fait peine à voir dès qu'on s'arme de Tuyau(hann), il y a autre chose que de l'action. Il y a les méninges ! Les énigmes. Et autant dire qu'elles sont toutes très réussies et recherchées, souvent symboliques, poétiques, situationnelles et représentent un véritable challenge. Le seul reproche qu'on pourrait faire à ce système de puzzles et leur agencement et ce qu'ils représentent d'un point de vue rythme et progression. À plusieurs reprises, on se retrouve à devoir faire des allers-retours peu agréables, chronophages et rébarbatifs. Si elles permettent réellement de progresser, c'est en contrepartie pour débloquer des objets qui permettent de débloquer une porte qui permet de débloquer un objet qui permet de... Vous voyez l'idée. Ah oui, certes, c'était déjà la méthodologie courante de l'époque, on ne peut pas lui imputer cela. S'il n'est pas impraticable, c'est un système qui a pas mal vieilli de nos jours. Le contraire se vaut aussi dans une ère où, tout nous est prémâché, ce qui est franchement insupportable. Se sortir les doigts du cul et faire travailler ses neurones avait réellement du bon ! Un juste milieu représente l'idéal. 

 

Enfin, il y a le problème de la localisation. Si rien n'est kitsch dans ce chef-d'oeuvre d'horreur, les doublages anglais dont nous fûmes affublés en ce temps-là sont loin d'être mauvais. Mais les dialogues sont tellement risibles et distribués d'une façon comique que parfois... L'effort est appréciable, ne me méprenez pas, mais la sauce ne prend tout simplement pas. D'un point de vue crédibilité, l'investissement émotionnel des personnages semble proche du zéro. Les prémisces du doublage, que voulez-vous. Et je ne parle pas de la traduction française bâclée par moments. Soit, cela n'a pas empêché le bon déroulement du jeu et de l'apprécier pleinement, alors on peut passer l'éponge pour cette fois !

L'Hérédité qui fait parler 

Un autre gros avantage de la colline silencieuse est de proposer plusieurs niveaux de lecture. En effet, pas moins de 5 fins nous sont proposés, toutes plus intéressantes les unes que les autres et qui changent radicalement l'expérience finale du joueur en donnant un sens tout à fait différent de son aventure par rapport à une autre. La ville recèle qui plus est de mystères et de récompenses d'après-jeu comme des armes débloquées plus puissantes qu'il faudra dénicher, rendant les nouvelles excursions attrayantes. Ainsi, Silent Hill propose une véritable rejouabilité, agréable, non pas obligatoire, et en plus gratifiante. Il y a même différents paliers et degrés de difficulté, que ce soit en terme d'action comme de réflexion ! Que demande le peuple ? Peut-être qu'il arrête de pleuvoir des cendres. Et moins de chiens dans les rues. Et de ptérodactyles, éventuellement.

 

Pour mettre un point final, je dirais que Silent Hill a presque réussi un sans faute à mes yeux. Aujourd'hui encore, je le considère avec bien peu de défauts par rapport à toutes ses qualités. Il est difficile de transposer les problématiques de l'époque à celles contemporaines, rester objectif n'est pas le but et n'est jamais vraiment possible de toute façon, alors c'est d'un postulat subjectif et assumé que j'affirme qu'encore à ce jour, Silent Hill est l'un des meilleurs jeux d'horreur auxquels vous pourrez jouer. Reste à découvrir toute la suite de la série avec des attentes à la hauteur de ce que le premier a su délivrer : une frousse intense, un esthétique irréprochable, une bande son hors du commun et une histoire intriguante. Silent Hill est le papa des jeux d'horreur. Le précurseur de la terreur psychologique. Maintenant, on sait pourquoi. Et bien avisé celui qui essaiera de le détrôner de son assise forgée au fil du temps. 

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Précurseur de l'horreur. Licence emblématique du jeu vidéo et du genre auquel il appartient. L'Exorciste du jeu vidéo. L'un des plus grands chefs d'œuvre de Konami. Là où tout a commencé, sur la colline peu silencieuse. Si Silent Hill n'est certainement pas le premier jeu d'horreur, il est en tout l'un de ceux qui ont définitivement démocratisé le genre. Il était avant cela plus commun de s'amuser joyeusement sur des jeux de plateformes, de karting, de tir, d'aventure, de combat même. Mais l'horreur ? Qui aurait pu imaginer que trembler d'effroi dans son petit canapé serait aussi jouissif et constituerait une expérience tout autant appréciable qu'avec un autre jeu ? Silent Hill intronisa les concepts cinématographiques de l'horreur sur le petit écran, entre nos mains effrayées, moites et tremblantes. 

SILENT HILL

Sorti en 1999

Dévelopeur : Konami

Genre : Survival Horror

Support : 

Treuf'Analiz

TREUFAVORABLE

TREUFINDIGNE

  • Précurseur de l'horreur psychologique, la plus efficace.

  • Un jeu qui fait VRAIMENT peur encore actuellement !

  • Les effets sonores comme la radio et les monstres.

  • Les effets de lumière, de brouillard, de cendres... 

  • Le concept de monde alterné, un level design de génie !

  • Des cartes pour chaque endroit important à visiter.

  • Interface claire, précise et intuitive.

  • Les musiques anxiogènes ou parfois sublimes.

  • Des personnages secondaires dont on se souvient.

  • Un vaste bestiaire au design absolument terrifiant. 

  • Une histoire mystérieuse et intriguante.

  • L'ambiance générale de la ville.

  • Les cadrages spectaculaires !

  • La cinématique 3D d'introduction.

  • Un héros attachant à la quête noble ! 

  • L'arsenal d'armes varié et appréciable. 

  • 5 fins différents, une rejouabilité réelle.

  • Les niveaux de difficulté que l'on peut choisir.

  • Des énigmes réussies et travaillées.

  • Traduit en Français. 

  • Un gameplay très rigide difficile à prendre en mains.

  • L'utilisation de la map parfois trop indispensable. 

  • Pas d'indicateur du statut de la vie en dehors du menu.

  • Des contrôles pas toujours bien attribués de base.

  • Des graphismes qui ont pris un sacré coup de vieux.

  • Le système d'antan d'allers-retours pour progresser, souvent lié aux énigmes. 

  • Les sauvegardes un peu trop dispersées.

  • Les dialogues tellement kitsch et convaincants... 

  • La traduction française parfois aléatoire. 

9/10

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© 2015 par Treufy, en collaboration avec Lordyce. Tous droits réservés.
 

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